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28-02-2022 - 08:05 — 28-02-2022 - 18:07
Comprendre ce qui se passe en Ukraine requiert l'examen des faits et du contexte dans lequel ces deux pays, Russie et Ukraine, baignent. Comprendre, expliquer, n'est pas accepter l'invasion russe. C'est encore moins la soutenir. Je l'ai suffisamment répété. N'avais-je d'ailleurs pas créé quelques semaines avant l'invasion une courte vidéo intitulée "WWW NO WAR"%%?
L'invasion russe reste inacceptable et je la condamne sans ambages. Il reste maintenant à la comprendre, à l'expliquer, pour se débarrasser des discours simplistes, pour permettre de congédier l'abjecte propagande qui agit toujours par lamentables raccourcis prompts à sabrer la moindre réflexion, une propagande outrancière qui nous vient de tous côtés.
Comprendre nécessite une perspective. Nécessairement longue. Passé et futur doivent nous permettre de prendre quelque hauteur. Comprendre l'encadrement général va nous permettre de construire le fondement d'une compréhension factuelle. Ensuite, les faits peuvent diverger sous l'influence d'opinions différentes. La vérité sera donc aussi multiple.
En 1569, la Pologne-Lithuanie s'étend quasiment jusqu'en Crimée. Elle se frotte par le dessus à la Tcéhcoslovaquie, à la Roumanie et à la corne septentrionale de l'empire Ottoman. La carte est suffisante npour comprendre que l'actualle Ukraine s'y trouve partiellement inscrite (en grande partie) et que tout ce qui ne l'est pas émarge à ce qui est convenu d'appeler les "États Russes".
Je reviendrai sur les 15ème, 16ème et 17ème siècles pour rappeler quelques événements qui éclairent le conflit actuel.
Jusqu'en 1990, l'U.R.S.S se bordait à l'ouest avec la Roumanie et la Pologne, au sud avec la Turquie, l'Iran, l'Afghanistan, le Pakistan, la Chine, la Mongolie et la Corée du Nord, à l'est par le Japon, enfin au nord par la Finlande et la Norvège. Un pays immense dont on a de la peine à imaginer la taille. On remarque avec intérêt la taille des républiques ukrainiennes sur cette ancienne carte%%:
Revenons maintenant au 15ème siècle brièvement. La première carte détaille d'ailleurs le sujet Crimean khanate (tout en bas à droite). Ce détail est d'importance car on y parle de la Crimée et d'un khanat, mot dérivé de khan. Ce khanat est effectivement créé par un descendant de Gengis Khan. C'est une période guerre incessante entre Constantinople (empire Ottoman) et les successeurs du khanat contre les grands-princes de Moscou et du tsar Russie. Moscou sera d'ailleurs incendiée en 1571 ce qui déclenche une riposte de la Russie qui fait du khanat un objectif principal. Tout ceci nous mène en 1774 (bataille d'Azov) année où le sultan ottoman renonce à la Crimée qui passe sous protectorat russe.
Cela n'empêche pas que la guerre se poursuive entre la Turquie (empire Ottoman) et les Russes. Finalement, en 1783 la péninsule de Crimée passe à l'empire russe, purement et simplement annexée. Nous sommes sous le règne de Catherine II qui voit le territoire russe s'étendre considérablement vers l'Ouest (annexion de grandes parties de la Pologne, environ 1/3) et le Sud (territoires pris à l'empire Ottoman).À ce stade, nous pouvons donc déjà comprendre que ni les Turcs, ni les Polonais ne voient nécessairement les Russes d'un bon oeil. Les Russes le rendent bien aux Turcs encore aujourd'hui. Entre ces deux pays, il ne peut y avoir de cadeaux.
Revenons une fois de plus dans le passé. Revenons à 1654 et au Traité de Pereïaslav, un traité dont l'original a été perdu et donc dont les clauses sont évidemment controversées. À ce moment, la Pologne-Lithuanie est immense. Ces deux pays font néanmoins face aux Cosaques et l'État polonais vacille sous leurs coups de butoir. La Russie en profite pour offrir son appui aux cosaques ce qui provoquera d'ailleurs la guerre russo-polonaise (1654-1667). Le traité a pour conséquence le morcellement de la Pologne avec l'apparition de l'Ukraine.
Plus loin dans le passé encore, je mets l'accent sur la guerre qui a opposé la Russie sous le règle d'Yvan IV, dit Yvan Le Terrible, à la coalition qui regroupait Polonais, Suédois et Lituaniens, la guerre de Livonie qui se termine d'ailleurs en 1583 par la défaite du tsar "de toutes les Russies". Mais attention%%: la Suède à l'époque n'est pas la Suède d'aujourd'hui car elle va jusqu'à toucher la Lituanie et la Russie car elle englobe la Finlande actuelle. C'est un immense territoire. Ce bref passage par le terrible Yvan nous apprend que la Russie ne doit pas non plus attendre beaucoup de sympathie naturelle du côté de la Suède ni de la Finlande (puisque les populations actuelles de la Finlande étaient celles de la Suède à ce moment).
À ce stade, je fais un premier récapitulatif%%: la Russie n'est vraiment en paix qu'avec elle-même (et encore). Elle s'est étendue à l'ouest en annexant 1/3 de la Pologne et au sud en s'opposant aux Turcs; elle s'est trouvée confrontée au nord à la Suède/Finlande. Plus au nord encore, il n'y a que la mer (Barents, Kara, Laptev, Sibérie orientale) de sorte qu'il est difficile de se disputer avec l'Océan arctique ! À l'est il y a l'Alaska, la Corée du Nord, le Japon. Je passe sous silence le Sud (Chine, etc.).
Du 18 au 23 février 2014 a lieu la révolution ukrainienne suite à une série d'émeutes à Kiev (Euromaïdan). Viktor Ianoukovytch, président en exercice, est déchu. Il est remplacé par Oleksandr Tourchynov. Il en resute la mise en place d'un gouvernement pro-européen au lieu d'un gouvernement pro-russe. Il y a lieu de constater que la destitution de Ianoukovytch est entachée d'irrégularité car le processus nécessitait un vote de 338 députés sur 450; seuls 328 députés ont voté pour. Cette révolution est appelée révolution de la Dignité; elle oppose d'un côté les Ukrainiens pro-russes et de l'autre les partisans pro-européens et les Nationalistes Ukrainiens. Les conséquences sont une fracture (encore plus) prononcée entre les Ukrainiens et les régions du pays les plus à l'est du pays, les provinces de Donetsk et de Louhansk, et aussi plus au Nord avec Kharkiv. Ces régions refusent de reconnaître les nouvelles institutions. Il y a fort à parier que cette position est poussée en réaction à l'abrogation du russe comme langue officielle (mais aussi le roumain et le hongrois). Toujours en réaction à ces événements, Alexeï Tchaly, nouveau maire pro-russe est élu à main-levée à Sébastopol. Cela va mener au détachement de la Crimée en mars 2014 à la suite d'un reférendum qui s'est tenu le 16 mars 2014.
Avant 2014, la Crimée appartient à l'Ukraine. La Crimée n'avait aucune importance pour la Russie tant qu'elle pouvait y laisser stationner sa flotte à Sébastopol. Désormais, avec un régime qui lui est inamical, la Russie s'inquiète de sa position qui pourrait être menacée ce qui l'empêcherait de contrôler la Mer Noire et la Turquie en face. À côté de cela, on ne peut pas non plus négliger l'extraction de gaz en Mer Noire (les hydrocarbures font toujours partie de l'équation). Certaines sources prévoyaient en 2021 suffisamment de réserves de gaz en Ukraine entre la Crimée et Odessa pour alimenter l'Ukraine (en lieu et place de gaz importé) et l'Europe pour 20 ou 30 ans. Quels que soient les développements qu'on veut bien examiner, le résultat c'est l'invasion de la Crimée menée par la Fédération de la Russie en février et mars 2014.
Comme indiqué, Donetsk et Louhansk qui font partie du Donbass, n'acceptent pas les nouvelles institutions. Suite au renversement de Ianoukovytch toute la région est en proie à un conflit armé. Les provinces de Donetsk et de Louhansk s'autoprocloment republiques populaires sans la moindre réconnaissance internationale. Le protocole de Minsk (Biélorussie) de février 2015 a été mis en place pour résoudre le conflit. Il s'est tenu en présence des parties suivantes%%: Allemagne (Angela Merkel), France (François Hollande), Russie (Validimir Poutine) et Ukraine (Petro Porochenko) chapeautés par l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe. Le traité prévoit 13 points parmi lesquels (1) un cessez-le-feu, (2) le pardon et l'amnistie, (3) l'échange de prisonniers, et (4) la restauration des frontières de l'Ukraine.
Le conflit a causé la mort de milliers de personnes et le déplacement d'environ 2 millions de personnes entre 2014 et 2015. Cependant, les combats n'ont pas cessé même s'ils ont effectivement diminué en intensité. Par contre, et c'est là un élément important dans la compréhension des événements actuels, du 19 au 21 février dernier, la situation s'est aggravée avec une augmentation marquée des bombardements par l'armée ukrainienne contre les républiques autoproclamées de Donetsk et Louhansk, avec même une offsensive de l'armée ukrainienne le 20 février. Ces bombardements ont provoqué la convocation en urgence du Conseil de Sécurité de la Russie le 21 février avec, comme on le sait, la reconnaissance par la Russie des deux républiques, confirmation et aval des dispositions prises par les provinces ukrainiennes au lendemain de la révolution de la Dignité. Dans le Donbass, 30.000 soldats ukrainiens + des forces paramilitaires s'opposent à ± 15000 séparatistes pro-russes + ± 12.000 Russes + des forces paramilitaires.
Nous sommes toujours en 2022. Quelles sont donc les parties en présence%%? Nous sommes au centre du débat%%! En prenant beaucoup d'altitude, nous avons%%: l'Ukraine, la Russie, l'Union Européenne et … l'OTAN.
Les États-Unis forment une grande nation. Au début du 20ème siècle, les Américains sont devenus la première puissance économique mondiale. Il l'étaient déjà avant leur entrée en guerre lors de W W 1 qui se fait sur le tard (avril 1917). Pourquoi cette entrée en guerre après près de 3 ans de conflit mondial%%?
Le sentiment anti-germanique était déjà bien implanté aux US à ce moment essentiellement dû à la féroce compétition économique que se livraient Américains et Allemands pour la conquête des marchés mondiaux. Cela s'est d'ailleurs marqué par des prises de positions considérées comme inamicales par les Américains dans les révolte des Boxers (Chine) mais également par l'expansionisme allemand en Amérique latine.
Encore aujourd'hui, les deux pays qui "menacent" l'hégémonie américaine , d'après les Améericains eux-mêmes, sont … l'Allemagne et … la Russie. (https://www.youtube.com/watch?v=emCEfEYom4A). Entretemps, la Chine s'est inscrite au nombre des candidats.
Pour ce qui est d'une relation entre les États-Unis et l'Europe, les Américains disent eux-mêmes qu'ils n'ont plus que des relations avec les pays européens et non plus avec l'Europe (voir la vidéo de George Friedman lors du Chicago Council d'avril 2015 (30" – We don't longer have a relationship with Europe; we have a relationship with Romania, a relationship with France … There is no Europe
). Au-delà de cette déclaration à laquelle peu d'Européens croient, il faut encore ajouter le trop fameux Fuck the EU
de Victoria Nuland (le transcript de la conversation de Nuland est fourni sur le site de la BBC: https://www.bbc.com/news/world-europe-26079957; le son est audible sur YouTube: https://www.youtube.com/watch?v=L2XNN0Yt6D8), à l'époque responsable de l'Ukraine pour le département d’État sous la présidence de Barak Obama (toujours considére partour comme le gentil, prix Nobel oblige) et considérée comme l'une des plus ardentes défenderesses de la livraison d'armes à l'Ukraine. Notons au passage que cette brave dame, dans la même conversation, évoque les protagonistes de la crise en cours (qui donnera la révolution de la Dignité), et de la formation du prochain grouvernement uktrainien où les États-Unis auront nécessairement un droit de regard. Le nom du prochain président ukrainien a été cité (Arseni Iatseniouk) connu sous le peudonyme de Yats; celui-di a été élu le 27 février 2014 (destitution de Ianoukovytch). Notons que la conversation date du 4 février 2014. Les émeutes datent du 18 au 23 février. La conclusion ne souffre aucun doute%%: les États-Unis ont fomenté la révolte en Ukraine. Cela doit être considéré comme une vérité historique.
Pour les Américains, l'Europe inexistante tient lieu de terrain de jeu, l'Union Européene n'étant que la branche "civile" de l'OTAN qui en est la branche "armée". Il n'y a que des intérêts économiques à défendre et les intérêts américains sont, comme d'habitude, de défendre leur hydrocarbure, à la vente ou à la "collecte".
Je parle des États-Unis au travers de l'OTAN car effectivement c'est de cette manière que les Américains entrent dans le conflit, le soutiennent, le développent. Pour fournir une image plus ou moins complète, on notera que Victoria Nuland est sous-secrétaire d'État pour les Affaires politiques dans l'administration Biden. Cela en fait la numéro 3 de la diplomatie américaine.
LES VISÉES EXPANSIONNISTES ATLANTISTES PARLER DE LA PERTE D'HEGEMONIE AMERICAINE; PARLER DE LA PROCHAINE PASSATION DE POUVOIR EN FAVEUR DE LA CHINE; PARLER DES NOMBREUSES ENTREVUES ENTRE RUSSIE ET CHINE.Le conflit est beaucoup complexe que ce qu'on veut bien nous en dire. Il s'inscrit dans un passé long qui ne fait pas de la Russie le partenaire paisible qu'on accueille les bras ouverts comme libérateur. Des intérêts discrets mais réels et importants sont en jeu, toujours les mêmes en fait. Les évoquer couronne celui qui s'y adonne au titre enviable de complotiste. Comprendre nous est difficile voire interdit.
Je constate que la sidération continue. Après deux années de coronavirus où les médias et les gouvernements ont conscensieument éffarouché les populations, réussissant même à les diviser en pro-vaxx, antivaxx, le même schéma est à l'oeuvre avec le conflit ukrainien. Nous allons nous diviser en pro-ukrainiens et pro-russes. Je refuse ce schéma et je déclare tout de go n'être ni pro-ukrainien ni pro-russe%%: je suis "pro-paix".
À CONTINUER